Xavier Canonne (BE)
Introduction livre memymom de Lisa De Boeck & Marilène Coolens
Publié par Ludion
septembre 2021
FR
memymom, contraction de « Me and my mom », est un concept photographique débuté en 2004 d’une mère, Marilène Coolens, et de sa fille Lisa De Boeck.
Il est le prolongement d’un travail apparu au début des années’ 90 lorsque, sous forme de jeu tout d’abord, Marilène photographiait Lisa mimant diverses situations pouvant stimuler l’imagination d’une fillette : images stéréotypées de dessins animés, de séries télévisées ou de contes de fées entraînant des désirs de maquillage et de déguisements communs à tous les enfants. Ce théâtre improvisé demeurait alors voué au cadre exclusif du duo mère-fille et les images produites à l’album familial ou au cercle intime.
Cette conversation par la photographie, cette complicité créative ̶ la fillette suggérant les scènes que la mère fixait ̶ menée de 1990 à 2003 prendra le titre générique de The Umbilical Vein, ce cordon ombilical qui relie les deux femmes.
À l’âge de 18 ans, Lisa De Boeck entreprit de permuter les rôles, devenant à la fois photographe et modèle, habilleuse ou metteuse en scène, Marilène intervenant de même comme photographe et modèle en des décors familiers, celui de la maison principalement, ou d’autres au potentiel scénographique, le duo travaillant conjointement à la recherche de masques et de vêtements évocateurs pour des situations à contenu symbolique. La disparition du mari et père, Jo De Boeck, ne fut pas étrangère à ce changement de contexte, resserrant inévitablement les liens entre les deux femmes et le désir de prolonger l’expérience commune. Ce fut aussi, symbolique autant que technique, le moment du passage de l’analogique au digital, composant un second chapitre, The Digital Decade.
Si la photographie, directe ou recomposée, est l’apparence finale de l’œuvre, le théâtre et le cinéma sont au cœur de cette démarche visant à la création ou la re-création de situations ou de séquences, à en accroître le potentiel dramatique ou humoristique : les lieux de l’enfance, de l’adolescence avec les tentures, le papier-peint et le mobilier, indices d’une autre époque, sont autant de restitutions d’une mémoire commune ; passé et présent se confondent au sein d’images aujourd’hui agrandies et encadrées, incarnant ce passage de l’archive familiale à la création artistique, comme la sensualité a depuis supplanté l’innocence du jeu d’enfant.
Les trois chapitres imaginés sous le label memymom ont pour point commun d’avoir conservé un travail en duo, quand bien même la part de Lisa est devenue majoritaire, en poursuivant le questionnement de la relation mère-fille dans son évolution générationnelle : la fille pourrait à présent être la mère, la mère pourrait être prise en charge par la fille, ce dont témoignent entre autres la série, The Baby Blues (2014) ainsi que le troisième chapitre Somewhere Under The Rainbow qui les prolonge. Et la présence plus marquée de Lisa devant et derrière ces images constitue en soi un « passage de témoin » dans une trame créatrice à multiples degrés de lecture.